29/04/2014
Une cuisine évolutive et réfléchie
C’est un lieu surprenant, loin des bruits de la ville, à l’orée de la forêt de Soignes, on y découvre une élégante bâtisse de briques blanches ornée d’une jolie véranda et entourée d’un jardin fleuri. Un véritable havre de paix dans lequel le grand Chef Relais et Châteaux Pascal Devalkeneer officie depuis le réveillon de l’an 2000, déclinant avec bonheur sa philosophie de vie : être attentif aux tendances, sortir des sentiers battus, sans pour autant renier l’authenticité des produits et du savoir-faire. Un challenge qu’il faut relever tous les jours pour ce Chef doublement étoilé qui manie avec dextérité, innovation et tradition.
C’est une maison ancestrale que Pascal Devalkeneer a reprise, plus de 100 ans après sa création, avec la volonté d’en faire une grande maison de bouche. Tous les moyens étaient là, il restait à réinventer la cuisine ...
Dès que l’on pénètre dans le Chalet de la forêt, le ton est donné, une salle baignée de lumière où les espaces sont agencés de façon à préserver l’intimité des hôtes. Un mobilier contemporain aux lignes épurées qui s’accorde parfaitement avec les matériaux naturels aux tons chauds qui constituent les éléments de décoration du restaurant. Cela ne fait aucun doute, Pascal Devalkeneer attache une grande importance à la qualité de l’expérience qu’il propose à ses clients.
C’est en effet à un fabuleux voyage gustatif qu’il les invite, un savant mariage de textures et de saveurs qui explosent en bouche. Les produits même les plus simples sont sublimés, ainsi l’œuf devient la star de l’assiette, servi poché et assorti d’une mousseline de panais, de petites feuilles de trévise aux truffes noires et d’étonnantes peaux de poulet croustillantes. Le goût authentique des légumes est préservé, comme ces petits artichauts qui accompagnent le Bar et sa soupe d’huile d’olive. Et puis il y a cette alchimie réussie entre le contenant et le contenu, l’art de la table poussé à l’extrême. Ainsi, quand un plat est élaboré, il faut tout de suite penser à la vaisselle. La mise en scène est très importante et le budget consacré aux assiettes peut atteindre 20 à 30 000 € !
Morceaux choisis d’une rencontre avec un homme de caractère qui propose une cuisine inventive et généreuse à son image.
Quel est l’esprit de la maison ? Quel est l’élément qui fait la différence avec les autres lieux de la gastronomie Bruxelloise ?
Nous travaillons tous les jours pour amener cette maison à son maximum, c’est notre seul objectif, il implique de se remettre en question quotidiennement. Tous les produits sont frais et faits maison. Nous fabriquons par exemple cinq sortes de pain, deux fois par jour. Nous achetons également tous nos produits bruts, comme le saumon ou le foie gras, et nous les transformons dans notre cuisine. Notre élément différenciateur ? C’est l’accueil avec le souci du détail comme leitmotiv. Nous nous devons d’offrir à nos clients la petite chose en plus qui fera la différence et leur permettra de se sentir reconnus chez nous. Notre objectif premier est donc la personnalisation. Nous voulons également sortir des sentiers battus en proposant chaque jour des suggestions nouvelles à la carte.
Quelle est votre clientèle ?
Depuis 14 ans, nous avons la chance de garder notre clientèle au fil des années. Certains clients fidèles de mon ancien restaurant m’ont suivi et continuent à venir régulièrement au Chalet de la forêt et j’en suis très fier. Nous avons également touché une nouvelle clientèle qui est arrivée grâce aux étoiles, aux récompenses mais aussi à notre affiliation à Relais et Châteaux. Pour ces personnes qui nous découvrent, nous avons un travail d’initiation important à mener afin de leur faire comprendre et apprécier ma cuisine, ma manière de travailler et de les fidéliser.
Et la crise dans tout ça ?
La crise est là, c’est une certitude, nous en souffrons parfois sur des choses bien précises comme les business lunch, mais nous avons su faire évoluer la maison et le fait d’obtenir une puis deux étoiles, rassure les gens qui comprennent que nos prix sont justifiés. Cependant, nous restons dans le raisonnable, pas seulement pour coller au contexte économique mais aussi parce qu’en Belgique, on ne peut pas pratiquer des prix complètement injustifiés sous prétexte qu’on est le restaurant en vue de la région ! Le belge a vraiment la notion du rapport qualité/prix. Il y a de l’argent en Belgique, on veut bien le dépenser mais il faut qu’il y ait quelque chose en retour.
Comment élaborez-vous votre carte ?
La carte est faite en fonction des saisons. Nous proposons bien sûr des plats signatures de la maison comme le tartare d’huîtres ou la Saint-Jacques à la truffe noire et il y a également des menus qui changent très régulièrement et dans lesquels on travaille les produits du jour avec des garnitures spécifiques, cela représente un tiers des plats de la carte. Cela permet au client fidèle de déguster quelque chose de différent à chacune de ses visites. En tous cas, chez moi, le produit est au centre de toutes les attentions, je pars d’un produit du marché et nous y ajoutons de la poésie pour en faire un plat où l’on retrouve mes bases, mes racines, mon identité. Toutes mes réalisations sont très personnelles et correspondent exactement à ce que j’ai envie de faire. Je travaille en étroite collaboration avec mes fournisseurs qui doivent me proposer des produits d’exception qu’ils pourront me livrer régulièrement.
Quelles sont les qualités nécessaires pour devenir Chef ?
Il faut avant tout s’accrocher ! Les jeunes ne comprennent pas toujours ce qui leur arrive quand ils débarquent dans une grande maison. Il vaut parfois mieux commencer par une maison plus petite afin d’attraper l’amour du métier, l’amour de faire plaisir aux autres. On ne doit surtout jamais oublier que notre métier est un métier de passion ! Il faut également être perfectionniste, devenir Chef, c’est comme entrer dans les ordres ! Il faut travailler de plus en plus vite et de mieux en mieux. Et enfin, il faut toujours être curieux et inventif, c’est la clé de la réussite.
De quoi sera faite votre cuisine de demain ?
Je vais rester dans le luxe, la haute gastronomie et toujours offrir des moments d’exception à mes clients tout en gardant mon authenticité. Nous allons nous battre pour garder de la culture, du patrimoine, des produits d’exception qui ont du goût, du caractère. J’espère que le côté mal bouffe va perdre du terrain et qu’il y aura une prise de conscience du consommateur. Faire manger les élites, c’est bien mais ce n’est pas ça la vie ! Il faut revenir à des valeurs alimentaires pour tous, nous nous battons pour cela en organisant par exemple des évènements publics low cost (street food) pour montrer qu’avec de bons produits (même s’ils ne sont pas chers), on peut faire des plats intéressants. Et j’espère que les médias nous aideront dans cette tâche.
Pour conclure, quelle est votre définition du luxe ?
Le luxe doit rester quelque chose de beau. C’est la beauté du regard, de l’endroit, du service, de l’assiette. C’est vivre un moment hors du temps. Dans une vie où l’on court tout le temps, c’est pouvoir se poser, apprécier la beauté des choses qui nous entourent. Il y a quelques années, j’ai vécu un moment extraordinaire chez Michel Guérard, j’ai enlevé ma montre et je me suis aperçu que le temps n’existait plus. Et je me suis dit qu’un jour j’aimerais bien recréer cela ... C’est ça le luxe !